"L'histoire est un éternel recommencement." Thucydide l’avait compris il y a plus de deux mille ans, et pourtant, chaque génération croit naïvement que son époque est différente. Mais regardons les faits : des conflits éclatent partout, de l’Ukraine à Gaza, en passant par l’Afrique avec le Congo. Pourtant, chez nous, la guerre ne fait plus vibrer les foules. Pourquoi ? Sommes-nous devenus insensibles ou simplement lucides ?

Il fut un temps où la guerre mobilisait toute une génération. En 1914, en 1939, les jeunes partaient la fleur au fusil, embrigadés par l’idée du sacrifice et de la grandeur nationale. Aujourd’hui, les conflits se jouent à des milliers de kilomètres, filmés en haute définition, analysés en boucle sur les réseaux sociaux. Résultat ? Une surdose d’images qui tue l’émotion. Quand tout devient spectacle, plus rien ne choque.

Mais soyons honnêtes : est-ce vraiment de l’indifférence ? Ou bien un refus d’être manipulé par des récits simplistes ? Parce qu’au fond, nous avons grandi dans un monde où les causes sont floues, où les "gentils" et les "méchants" changent selon les intérêts géopolitiques. Un jour, un pays est un allié. Le lendemain, il devient une menace. Alors, qui croire ? Qui soutenir ?

Nietzsche disait : "Il n'y a pas de vérités, seulement des perspectives." Et c'est bien là le problème. On nous vend la guerre comme un combat du bien contre le mal, alors qu'en réalité, tout n'est qu'une question d'intérêts économiques, stratégiques, énergétiques. Les discours patriotiques ne fonctionnent plus, car nous savons que derrière, il y a des contrats d’armement, des ressources à exploiter, des alliances à renégocier.

Et puis, regardons l’éléphant au milieu de la pièce : notre génération ne se sent pas concernée, car elle sait qu’elle ne sera pas envoyée sur le front. La guerre moderne se fait par drones interposés, par mercenaires, par sanctions économiques. Nous ne sommes pas une génération indifférente, nous sommes une génération spectatrice.

Alors, que faire ? Doit-on s'engager plus ? Doit-on se sentir coupable de ne pas manifester à chaque bombe larguée ? Pas si simple. La vraie question n'est pas notre indifférence, mais notre impuissance. Et cette impuissance génère du cynisme. On partage un post Instagram, on met un drapeau en photo de profil, et après ? Rien ne change.

Comme le disait Camus : "Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde." Peut-être que la jeunesse n’est pas indifférente, peut-être qu’elle est juste lucide. Lucide sur le fait que ces guerres ne sont pas les siennes, qu’elles sont le fruit d’un monde qu’elle n’a pas façonné. Mais attention, car à force de regarder de loin, on finit par croire qu’on est à l’abri. Et l’histoire nous a montré qu’aucune génération ne l’a jamais été.